REFLEXIONS DIVERSES

Analyse de fonds passionnante

 

http://www.ventscontraires.net/article.cfm/10374_frederic-lordon-:-de-quoi-ce-que-nous-vivons-est-il-la-crise-.html

 

 

 

Jean-Marie Harribey » Blog Archive » Bilan : premier semestre désastreux mais cohérent


 

On s’en doutait, le premier semestre du quinquennat Hollande serait instructif sur le changement promis. On prévoyait que quelques « marqueurs » donneraient le sens de la voie qui serait suivie. C’est chose faite : politique budgétaire, politique fiscale, politique économique et sociale, politique écologique, toutes concordent pour renvoyer le changement aux calendes qu’on n’ose pas dire grecques.

Le Pacte budgétaire

Ce fut le premier marqueur tracé. La ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro, sans que la moindre virgule en ait été changée par rapport au projet de Sarkozy et Merkel, montre l’acceptation de la construction libérale de l’Europe. Le déni des causes profondes de la crise capitaliste, dont l’emballement de l’endettement public n’est qu’un symptôme, se traduit par une fuite en avant dans l’austérité qui ruine tout espoir de rétablir un minimum de stabilité économique et de cohésion sociale.

Au passage, les conseillers économiques du Prince ont étalé une fois de plus leur vacuité et prouvé leur incapacité à comprendre comment marche leur propre système (voir mes précédents articles (« Le bon État doit être en déficit ! » et « Le bon État doit être en déficit ! Suite… »).

La fiscalité

Une révolution fiscale était quasiment promise. D’une certaine manière, elle a eu lieu, mais à l’envers. Au lieu d’instaurer un vrai débat public sur le principe de la progressivité de l’impôt, dont la mise à mal depuis plusieurs décennies a contribué à délégitimer la notion d’impôt, le gouvernement vient de décider d’augmenter la TVA pour payer les 20 milliards d’allègements de l’impôt payé par les entreprises, sous la forme du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Au total, les citoyens seront pigeonnés par les « pigeons », ceux-là mêmes qui, il y a quelques mois, suppliaient, la main sur le cœur, qu’on les taxe davantage.

Le travail, ce galeux

Au terme d’un débat tronqué sur la compétitivité, le gouvernement dit socialiste entérine la croyance que le « coût du travail » est la cause de tous nos maux, passant sous silence ce que coûte le capital à la société (voir ici « Compétitivité = travailleurs piégés » et le contre-rapport d’Attac-Copernic « En finir avec la compétitivité », qui va être publié prochainement aux Éditions Syllepse.

Cela signifie que le choix est fait de parachever la dérégulation dudit « marché du travail », entreprise méthodiquement menée depuis l’avènement du capitalisme néolibéral, et qui aujourd’hui se poursuit sous l’autorité d’un gouvernement de gauche laissant la flexibilité du travail s’imposer comme nécessaire, inévitable, ce qui comble d’aise la patronne du Medef. Aurait-elle osé le rêver ?

L’emploi définitivement abandonné

Mais « she has a dream » : le dossier Florange est tellement calamiteux qu’on reste pantois. La bourgeoisie financière, dont Lakshmi Mittal est un pur représentant (qui ne doit pas être un fin connaisseur de ce qu’est un haut-fourneau), roule dans la farine salariés et élus locaux ulcérés, mais un gouvernement consentant au viol. À peine le Premier ministre Ayrault a-t-il annoncé la signature d’un accord avec Mittal que celui-ci décide de se retirer du projet d’investissement Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking (Ulcos) de captation du carbone dans le cadre d’une aide de l’Union européenne, projet qui devait contribuer à maintenir en activité l’un des deux hauts-fourneaux de Florange.

On remarquera l’idéologie pernicieuse qui a été promue autour de l’idée de nationalisation. Non seulement le parti socialiste a abandonné le b-a-ba du socialisme, car une nationalisation de ce qui reste de la sidérurgie « coûterait trop cher », comme si on ne pouvait pas faire autrement qu’indemniser des actionnaires, surtout quand, depuis quarante ans, ceux de la sidérurgie ont reçu au bas mot 60 milliards d’euros. Mais la nationalisation qui était évoquée par le « ô combien révolutionnaire » ministre du redressement productif n’était que temporaire. Autrement dit, on aurait accrédité, pour le coup définitivement, l’idée qu’on nationalise juste le temps qu’il faut pour socialiser les pertes avant de reprivatiser les anticipations de profits.

L’écologie, « ça commence à bien faire »

On se souvient du cri du cœur de Sarkozy. L’ombre de celui-ci ne plane pas seulement sur l’Union des médiocres politiques (UMP), mais aussi sur le tamdem Hollande-Ayrault. Alors que le nouveau quinquennat aurait pu être l’occasion d’amorcer la fameuse transition écologique, notamment en matière d’énergie et de transports, le curseur vient d’être positionné à droite toute, dans un productivisme sans fin. Le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, sur lequel s’arc-boute un Ayrault complètement autiste, symbolise un renoncement écologiste (voir mon précédent article « Sur la piste de Notre-Dame-des-Landes »). Ce projet parie sur la croissance économique infinie, sur le non-épuisement des ressources, sur la disparition de l’agriculture paysanne et la fuite en avant dans une agriculture destructrice des hommes, des terres et de la biodiversité. La croyance au caractère philanthropique de Vinci dans le bocage nantais n’a d’égale que celle en la capacité de Mittal de tenir ses promesses dans le paysage lorrain.

On rirait presque que le « ça commence à bien faire » des socialistes en matière d’écologie soit concentré dans cette proposition d’une formidable audace exprimée à Doha par notre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, pour montrer la contribution de la France à la lutte contre le changement climatique : organiser la prochaine conférence de l’ONU sur ce sujet (il y en a une par an)… dans notre pays.

Où est la cohérence ?

Elle est dans l’acceptation assumée du régime d’accumulation financière qui a absolument besoin pour poursuivre sa trajectoire démente de briser le monde du travail et de privatiser le vivant pour faire du capitalisme verdi. Et tous les éditorialistes, du type « nouveaux chiens de garde », dont ceux du Monde, de se pâmer devant le fait que le président Hollande « assume sa social-démocratie ». Mais cela n’a strictement rien à voir avec le modèle social-démocrate, qui sans parler de révolution anti-capitaliste, proposait de (et a mené à bien pendant toute une époque) des réformes progressistes. Ce que nous avons sous les yeux est tout autre chose : il s’agit d’accompagner, voire de précéder, les transformations libérales du capitalisme.

Donc, un premier semestre désastreux mais cohérent. Encore que, cette cohérence est tellement imbécile qu’elle ne peut nous amener qu’à l’aggravation des contradictions d’un modèle à bout de souffle. Eh, Parisot et Hollande, réveillez-vous, vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis. Vous espérez peut-être que le peuple tombera avant vous et amortira votre chute. C’est cohérent ?

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